Curieusement, ce n’est pas dans un amphithéâtre que pourrait se trouver aujourd’hui Isabelle Gallagher mais sur une scène. Devenir mathématicienne n’était pas une vocation d’une enfant attirée par les nombres et pourtant aujourd’hui, elle est présidente de la Société Française de Mathématiques.
Ce métier, elle ne le connaissait même pas, elle aimait simplement beaucoup l’école et apprendre. Mais tout de même, cette Maisonnaise depuis de nombreuses années préférait déjà les cours de sciences à ceux de géographie ou de français. « J’ai hésité entre les sciences et la musique, puis le principe de réalité m’a rattrapé », sourit-elle. « Par contre, j’ai toujours aimé transmettre mes connaissances aux autres. L’enseignement a été pour moi une suite logique. » Après une classe préparatoire aux grandes écoles, elle décroche le concours de la prestigieuse école polytechnique. « Si je ne me suis pas dirigée tout droit vers les maths, j’ai toujours aimé la démarche mathématique : poser des équations, démontrer leur pertinence et tenter d’y apporter une réponse. À Polytechnique, j’ai rencontré des enseignants passionnés qui ont su me transmettre leur enthousiasme, généreux de leur temps et de leurs idées. » Une fois sa thèse achevée, Isabelle est recrutée au CNRS où elle y passera 6 années. Son sujet ? La mécanique des fluides.
Rendre les maths plus visibles et accessibles
« J’aime beaucoup la recherche, mais il me manquait ce contact humain autre que l’émulation scientifique entre pairs. » Elle se tourne alors vers un poste d’enseignante-chercheuse, devient directrice de l’UFR Mathématiques de l’université Paris-Diderot avant de poursuivre sa carrière à l’École Normale Supérieure de Paris où elle est actuellement détachée. En 2024, elle est élue présidente de la Société Mathématique de France, une fonction qu’elle est la 6e femme seulement à occuper depuis sa fondation en 1872. « Je souhaite rendre les maths plus visibles et accessibles. Beaucoup pensent encore que c’est un domaine élitiste, réservé à certains. Il y a très peu de femmes mathématiciennes : aussi, la science se prive de la moitié de la population ! Réflexion, raisonnement, logique : tous les enfants en sont capables. »
Un domaine universel et intemporel
Alors, Isabelle parcourt les salles de classes dès le primaire, transmettant sa passion pour la liberté, l’universalité et la beauté de la découverte qu’offrent les mathématiques. « La liberté, car les objets de recherche sont sans fin, c’est vous qui les créez, l’universalité car nous nous posons les mêmes questions partout dans le monde et que les problématiques d’hier trouvent des solutions aujourd’hui. » Et d’évoquer l’exemple des nombres premiers trouvés dans l’Antiquité, sans qui aujourd’hui aucune transaction financière ne serait possible. Comme chaque discipline, les mathématiques demandent de la rigueur et de l’entrainement. Une gymnastique qu’Isabelle pratique avec brio. En 2016, elle décroche la médaille d’argent du CNRS, une reconnaissance par ses pairs dont elle est fière. Aujourd’hui, elle reçoit le grade d’officier de l’Ordre national du Mérite. Humble, Isabelle souhaite surtout que ces distinctions mettent en lumière son domaine. « Faire des mathématiques, c’est être curieuse, avoir de l’imagination et l’envie d’apprendre de nouvelles choses et aimer travailler en équipe. C’est un magnifique bagage dans n’importe quelle carrière professionnelle. » Parfois, la recherche peut être fastidieuse et sembler sans fin. Alors Isabelle la met en pause pour mieux aboutir… à l’Eureka tant espéré.