À l’occasion de son centième anniversaire, célébré ce 11 décembre, nous rencontrons Jean Villeret, ancien déporté Nacht und Nebel (« Nuit et Brouillard ») et président de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP).
La maison de Jean Villeret regorge de souvenirs de cette période épouvantable de l’histoire mondiale. Depuis plus de 50 ans, il conserve et classe documents, photos et témoignages qui retracent son histoire et celle de dizaines de milliers de personnes, déportées et internées pour avoir lutté contre l’occupation nazie. Présent à chaque cérémonie de commémoration à Maisons-Alfort, il intervient régulièrement auprès des jeunes générations afin d’expliquer son parcours dans les camps de concentration nazis.
Tourneur mécanicien, Jean Villeret grandit avec sa famille à Maisons-Alfort. Le 5 novembre 1942, avec trois de ses camarades, il se rend en zone libre, passant la ligne de démarcation en plein jour, au mépris des patrouilles. Ils cherchent alors à fuir la Relève, ce dispositif mis en place par les accords Sauckel-Laval et qui contraignait les jeunes ouvriers français à se rendre en Allemagne pour répondre au besoin de main-d’œuvre du régime nazi. « En janvier 1943, ce qui devait arriver arriva : ma mère a reçu une convocation de la Wehrmacht m’enjoignant à rejoindre la gare de l’Est pour me rendre en Allemagne. ». Alors dans le Cher, il ne cède pas et devient ainsi réfractaire à la relève puis réfractaire au Service du travail obligatoire (STO) en juin 1943. Suite à une dénonciation, il se voit contraint de rentrer chez ses parents et réussit à obtenir une fausse carte d’identité au nom de Jean-Jacques Moreau.
Son entrée en résistance
« Depuis l’appel du général de Gaulle, mon rêve était de rentrer dans la résistance, mais ce n’était pas si simple », témoigne-t-il. En décembre 1943, il finit par trouver un contact en région parisienne et intègre un groupe de Francs-Tireurs et Partisans Français (FTPF). Malheureusement, le 31 janvier 1944, il est arrêté sur dénonciation à Créteil, par une des brigades spéciales de la préfecture de police, la BS2. Il est alors interné à la prison de Fresnes et passe plusieurs mois au secret, seul dans sa cellule. Il apprendra plus tard qu’en mai 1944, huit de ses camarades ont été condamnés à mort et fusillés. Le 7 juillet 1944, avec soixante autres résistants, il est envoyé à la gare de Bercy. Après 4 jours de voyage, durant lesquels il est menotté à un autre prisonnier, il arrive à la gare de Rothau (Alsace) et rejoindra à pied le camp de Natzweiler. « Nous sommes alors devenus des « Nuit et Brouillard », nous devions disparaître sans laisser de traces », explique-t-il. Le 4 septembre 1944, il est transféré au camp de concentration de Dachau puis au camp d’Allach. « À Allach, nous avons été mis à la disposition d’une usine BMW. Nous travaillions dans des conditions terribles : debout 12h de jour comme de nuit. » Le 22 janvier 1945, Jean Villeret est de nouveau transféré au camp de Dachau sans explication. Il subira alors de nombreux problèmes de santé : typhus, phlegmon amygdalien, érysipèle, échappant de peu au pire. Le 29 avril 1945 à 16h, il aperçoit le premier soldat américain : le camp est alors libéré.
Une vie dédiée à la jeunesse
À la fin de la guerre, il reprend le cours de sa vie et se marie le 5 juillet 1947, sans prendre conscience des traumatismes provoqués par sa déportation. « Nous ne savions pas que nous avions gardé des séquelles de ce que l’on avait vécu. Je l’ai appris très tard, après la mort de mon épouse en 2001. ». Après divers emplois, il devient releveur au Gaz de France. À partir de 1952, il s’investit dans les œuvres sociales de son comité d’entreprise et devient moniteur au sein des colonies de vacances proposées aux salariés. Il poursuivra son activité au sein des colonies de vacances jusqu’à sa retraite en 1980. « Je voulais m’occuper de la jeunesse, ma vie a toujours été axée sur les jeunes », nous confie-t-il. Père de trois enfants, grand-père de quatre petits-enfants et arrière-grand-père deux fois, il continue de témoigner, comme il l’a toujours fait, dans les écoles, collèges et lycées, accompagnant lorsqu’il le peut les élèves lors de visites au camp de Natzweiler. À Maisons-Alfort, il intervient chaque année dans les trois classes citoyennes sélectionnées. Ne tenant pas compte de la fatigue, il poursuit son combat pour la liberté ; le combat d’une vie entière.
La Voix du rêve
Aux côtés d’autres résistants déportés, Jean Villeret apporte son témoignage dans le film documentaire de Pascal Crépin, « La voix du rêve ». Le titre est une référence au chant des déportés « NN » du camp de Natzweiler-Struthof, composé par l’un des détenus, Arthur Poitevin.
> Commander le DVD du documentaire : asso-mdr.wixsite.com/minederien/la-voix-du-reve?fbclid=IwAR2LD7h_X7JMpBDBd-8DGM7PgjpqiXeK5OdIeWQ8m-NJpWMUCUeKcUeG284