Portrait – Christophe Degueurce : le patrimoine comme guide vers la modernité

Mis à jour le 14/06/2022

Portrait – Christophe Degueurce : le patrimoine comme guide vers la modernité

Ecrire le portrait de Christophe Degueurce, c’est emprunter le chemin de l’Histoire. Celui d’une école, qui a traversé les siècles, et celui, plus personnel, d’un jeune étudiant qui aspirait à devenir vétérinaire et qui est aujourd’hui à la tête de cette école qui l’a vu grandir et s’épanouir.

© David Dinh

Rien ne prédestinait vraiment Christophe Degueurce à emprunter ce chemin, si ce n’est son enfance en milieu rural et son amour des chevaux. « Je fais partie des nombreux vétérinaires qui ont connu une passion d’enfance de l’animal, ce n’était pas une évidence. » A l’heure de faire des choix pour l’avenir, inquiet de se voir fermer des portes, le jeune homme multiplie les candidatures dans des filières aussi diverses qu’éloignées les unes des autres. « Et puis finalement, dans la pile de dossiers, j’ai pris celui de l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort. »
Le hasard comme fil conducteur d’une belle aventure professionnelle qu’il était bien loin d’imaginer. Assistant d’enseignement et de recherche, puis professeur d’anatomie, il accède en 1993 au poste de conservateur du musée Fragonard – qu’il occupe toujours actuellement – à la demande de son mentor et directeur de l’époque, le Professeur Parodi, avant de devenir lui-même directeur de l’EnvA en 2017. « Il a dû me forcer la main », s’en amuse-t-il. Un refrain, celui des opportunités octroyées par plusieurs mentors, qui ont su le porter vers des fonctions sur-mesure, qui ont façonné sa carrière professionnelle.

L’équilibre (re)trouvé dans le patrimoine et l’Histoire

« Je me suis épanoui à l’EnvA car il y a une coordination parfaite entre la dimension pédagogique et patrimoniale qu’on ne trouve nulle part ailleurs. » Car, très vite, un problème se pose pour le jeune docteur vétérinaire. Comment inscrire dans la réalité d’un quotidien une passion d’enfance devenue métier d’une vie ? « Souvent, dans ces métiers « héros », rêvés, la passion s’émousse face à la réalité et ses difficultés. Un des défis est de rendre cette passion compatible avec la vie quotidienne, l’insérer dans une réalité, et donc la faire évoluer, grandir. » Pour Christophe Degueurce, cet équilibre s’est forgé dans son affection profonde pour le patrimoine et l’Histoire. « Pendant les vacances, mes parents me traînaient d’églises en églises, j’ai été moins de dix fois à la plage avant mes 18 ans. J’ai détesté ça ! », s’en amuse-t-il encore. Et pourtant, ces visites atypiques ont « fabriqué quelque chose, une empreinte en moi ». Désormais, cette passion a laissé place à quelque chose de plus construit, qui s’insère dans la société. « J’utilise mon métier comme vecteur d’intégration sociale, car soigner, c’est avant tout des relations sociales. » Une double passion, qui le mène, telle une évidence, à se lancer dans une bataille d’envergure, celle de préserver le patrimoine, et par là même, l’identité de son école. A commencer par sa propre quête, celle de sauvegarder les collections du musée Fragonard, dont ses célèbres Ecorchés, et de rénover le bâtiment vétuste qui les hébergent. Après de longues et fastidieuses démarches, il obtient en 2006 la victoire tant attendue : le Musée Fragonard sort de l’ombre et décroche l’appellation « Musée de France », lui offrant une renommée nationale.

Un héritage à poursuivre

Face aux projets successifs qui menacent de délocaliser l’école en 1991 puis 2007, il est également en première ligne et s’interroge. « Le patrimoine et la modernité ne sont pas antinomiques : on peut tout à fait garder l’esprit d’un site en lui donnant des fonctions modernes. C’est en cherchant cette alliance, que l’on se différencie des autres, que l’on conserve notre identité. » Une tâche à laquelle il s’attèle donc dès 2008, lors des premiers projets de restructuration de l’EnvA, aux côtés de la direction, avant d’en devenir lui-même le chef d’orchestre en 2017. Poursuivant l’héritage laissé par ses aînés, après cinq années d’un premier mandat, il achève ainsi une étape majeure d’une mutation profonde, avec la construction de l’Agora, centre névralgique de l’école. Quand on le questionne sur cet attachement si profond pour l’EnvA, on entrevoit l’importance de cet héritage à la fois historique et façonné de rencontres et de relations profondément humaines. Celui de plus de 250 ans et autant de générations d’étudiants qui ont laissé un patrimoine immatériel, une filiation presque familiale, de mentors, d’un patrimoine exceptionnel, un passé qui n’entrave pas la modernité et qui au contraire, l’enracine. Celui qui est candidat à sa propre succession pour un nouveau mandat, a « encore des choses à faire, un cycle à finir », avant de tirer sa révérence. Car Christophe Degueurce le dit lui-même : « Je déteste l’immobilisme. »

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